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Objectif Zéro Artificialisation Nette : accompagner la mise en œuvre plutôt que de renoncer à l’ambition

L’artificialisation des sols, un phénomène qui nous met en danger




Selon l’IPBES, « la modification de l’utilisation des terres et des mers », dont l’urbanisation est une des causes, est le facteur direct le plus important dans l’effondrement de la biodiversité.


Par ailleurs, la poursuite des tendances actuelles en matière d’urbanisation jusqu’en 2050 pourrait conduire à un déstockage équivalent à 75% des émissions totales de 20151. Ce qui réduirait à néant tous les efforts climatiques de la France. De plus, l’étalement urbain induit plus de trajets (domicile-travail ; courses ; loisirs…), le plus souvent réalisés en voiture, ce qui diminue la qualité de vie des citoyen.nes, augmente leur facture de carburant et accroit les émissions de gaz à effet de serre liées aux déplacements.

Cette artificialisation impacte aussi notre capacité à gérer les futures crises climatiques. L’imperméabilisation des sols augmente le risque d’inondation en réduisant les possibilités d’infiltration de l’eau et l’évapotranspiration. En ville, la réduction de la végétalisation, remplacée par du verre, du béton ou de l’acier, augmente la température ambiante et le phénomène des îlots de chaleur.

De plus, l’artificialisation impacte la souveraineté alimentaire de la France. En effet, les terres agricoles sont les principales victimes de l’urbanisation. Entre 1981 et 2012, on estime que 6,9% des terres agricoles ont ainsi disparu. L’urbanisation française se fait à 70 % au détriment des terres de très bonne qualité, qui pourraient être utilisées pour l’agriculture.


Rappel du cadre existant


La Loi "climat et résilience" de 2021 prévoit que dans un premier temps, le rythme de l'artificialisation devra être divisé par deux entre les décennies 2012-2021 et 2022-2031. À partir de 2050, toute artificialisation nouvelle d'espace devra être compensée par la renaturation d'une surface équivalente et la part artificialisée du territoire n'augmentera plus : c'est le principe du "zéro artificialisation nette" (ZAN).


Pour sécuriser la mise en œuvre de certains projets, la définition des droits à artificialiser de la première période est organisée en cascade. L’État a défini une liste de projets d'envergure nationale ou européenne (les « PENE »), a réservé les surfaces correspondantes puis a réparti le restant entre les régions. Les régions dans le cadre des SRADDET, puis les intercommunalités en charge des SCOT, puis les communes et intercommunalités en charge des PLU(i), définissent à leur tour leurs orientations et projets prioritaires et répartissent les possibilités d'artificialiser sur leur territoire.

Le ZAN remis en cause


La Proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux abroge l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de l’artificialisation de 2031. Repousser le début de la mise en œuvre ne fait que rendre l’atteinte de l’objectif plus ardu. C’est demander à la prochaine génération de maires d’assumer les conséquences de ces atermoiements.


Par ailleurs, cette proposition de loi, ainsi que des amendements dans divers textes, notamment le projet de loi de simplification en cours d’examen au Parlement, prévoient d'exclure les PENE du calcul du ZAN. Une telle démarche est contreproductive. Tout d’abord car elle détourne le but initial de cet objectif : lutter contre les effets nocifs de l’artificialisation. Or, ces effets sont les mêmes quelle que soit l’utilité du bâtiment qui la génère. Cela reviendrait à ne pas compter le conducteur dans le nombre de places disponibles dans une voiture sous prétexte qu’il est indispensable : il l’est certes, mais il n’en occupe moins une place donc diminue le nombre de sièges disponibles. Pour pouvoir mesurer et limiter correctement les impacts, il est donc nécessaire de compatibiliser une artificialisation même si elle est utile. La lutte contre l'artificialisation des sols n'est possible que si elle s'adresse à tous les usages des sols, chaque usage devant prendre sa part de l'effort de sobriété et réutilisation de l'existant. Par ailleurs, commencer une liste des projets qu’on juge trop utiles pour être comptabilisés revient à ouvrir la boite de Pandore.

Chaque secteur défendra, souvent légitimement, son utilité pour la société. C’est donc ouvrir la voie à une longue liste de dérogations qui ruinera à terme le dispositif.


Un droit à stabiliser


Cet objectif ZAN, fixé dans la loi en 2021, a déjà été remis en cause en 2023. Ces constantes modifications rendent les règles très difficiles à s’approprier pour les élu.es locaux.

Pire, les maires de meilleure volonté, celles et ceux qui agissent pour mettre en œuvre le ZAN, se retrouvent pénalisés par leurs efforts. Cette insécurité juridique incite à ne pas mettre en œuvre la loi.


Le besoin d’un réel soutien aux communes pour atteindre l’objectif


Étant donné l’importance des enjeux, plutôt que de renoncer à l’ambition, il est nécessaire de soutenir les communes dans leurs efforts. FNE appelle à :

Poursuivre l’objectif initial de réduction de l’artificialisation en conservant toute l’ambition du texte de 2021.

Conforter les aides financières et en ingénierie pour accompagner les collectivités territoriales. D’après une consultation lancée par le Sénat en 2022, 80 % des 1 200 élus interrogés considèrent que « la protection des sols, des terres agricoles, de la biodiversité, des espaces, des sites et de l’environnement tient une place importante ou très importante dans les politiques de leur collectivité. ». Pourtant, la plupart d’entre eux affirment ne pas avoir les ressources financières et humaines suffisantes pour mener à bien une politique ambitieuse de sobriété foncière.


Aujourd’hui, il est plus économique d’artificialiser plutôt que de réhabiliter les bâtiments existants, du fait du faible prix des terrains ”non-artificialisés” et des prix respectifs de la construction et de la réhabilitation. Les formes de bâti les plus consommatrices d’espace sont également les plus abordables. Il est donc nécessaire d’adapter la fiscalité et de mettre en place des aides pour que la réhabilitation d’espaces bâtis ne coûte pas plus cher à une collectivité que la construction sur un espace non-artificialisé. Le mouvement vers une fiscalité accrue sur les logements vacants et sur les bâtiments industriels ou commerciaux sous-utilisés doit être accéléré. De même, les aides financières aux opérations de réhabilitation des friches industrielles et commerciales doivent être renforcées.


Enfin, le montant de la dotation accordée pour l’élaboration des documents d’urbanisme est bloqué en valeur depuis 2009, selon le rapport de la commission des finances du Sénat de juin 2022. Un niveau d’aide plus élevé est nécessaire pour aborder des sujets complexes liés à la planification et à la sobriété foncière. Les fonds européens pourraient aussi être mobilisés pour financer les études visant à planifier la sobriété.

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